[CONSEIL MÉTROPOLITAIN 25.01.2021]
Chers collègues,
Nous sommes réunis aujourd’hui, pour débattre des orientations du futur Règlement Local de Publicité de notre Métropole, qui vise à encadrer la publicité dans l’espace public.
Ce document règlementaire, que les collectivités sont chargées d’élaborer avant juillet 2022, peut être vu comme quelque chose de purement technique, un document de planification. Pour nous, l’écriture de ce document doit d’abord être guidée par une vision politique. Il s’agit avant tout d’être à la hauteur des défis actuels posés par la publicité dans notre société. Il s’agit aussi de défendre une conception de l’espace public apaisé, ouvert à la contemplation et à la rencontre. Et l’espace public est précisément un espace politique.
Le premier des défis que pose la publicité dans sa forme actuelle, c’est celui de la saturation. Saturation sur internet, saturation dans nos médias, saturation dans nos rues, gares et transports. Le recours aux écrans publicitaires, plus agressifs, accentue encore cet effet de saturation, qui est aussi une saturation cognitive. La publicité prend ainsi la forme, au quotidien, de messages, d’images ou de simples “stimulis commerciaux” avec un contenu souvent sexiste, prônant la malbouffe et incitant à la surconsommation.
Dans le dernier sondage national TNS-Sofres paru à ce jour, en 2013, 79% des français trouvaient la publicité envahissante, et 85% intrusive, des chiffres en augmentation par rapport à 2004. Si nous, élus locaux, ne sommes pas en mesure d’agir sur la publicité diffusée sur nos smartphones, ni sur le contenu, nous pouvons intervenir sur la publicité diffusée dans l’espace public.
Dans sa forme actuelle, la publicité apparaît de plus en plus comme un défi écologique. Ce n’est pas un hasard si un rapport intitulé “publicité et transition écologique” a été commandité par le gouvernement à Géraud Guibert et Thierry Libaert en 2019. La publicité “n’a jamais été aussi contestée” écrivait d’ailleurs ce dernier dans une tribune parue dans le Monde en août dernier, ajoutant que celle-ci est aujourd’hui sommée de prendre un virage, parce qu’elle va à l’encontre des enjeux de la transition. En attendant ce virage, qui tarde à venir, concluait-il, une régulation s’avère plus que jamais nécessaire. Les 150 de la Convention Citoyenne sur le Climat l’ont bien compris, en choisissant de consacrer pas moins de 11 de leurs 149 mesures à ce sujet.
Non seulement la publicité incite à la surconsommation et influence nos imaginaires, mais les associations environnementales s’inquiètent aujourd’hui de plus en plus des effets néfastes de la pollution lumineuse sur la biodiversité, à laquelle contribuent les enseignes et le mobilier urbain. La publicité est bel et bien devenue un problème écologique et un problème de société, qui préoccupe les citoyens et nécessite de nouvelles formes de régulation.
La question est environnementale, mais elle est aussi économique. Nous devons nous demander à quel type d’entreprises la publicité bénéficie dans l’espace public. Par son coût d’entrée, cet affichage publicitaire profite essentiellement aux grandes sociétés, au détriment des commerces locaux et indépendants.
La grande bâche publicitaire actuellement installée Place Bellecour en est une preuve parfaite : une publicité géante sur deux cents mètres carrés, pour promouvoir un village de marques situé à 40 km de Lyon. Ce type d’affichage publicitaire, sur les monuments historiques, ne peut être régulé dans le cadre du RLPi car il relève du ministère de la culture. Mais il est l’illustration en 4 par 3 – ou plutôt en 10 par 20 – du principe suivant : plus les emplacements publicitaires sont impactants et envahissants dans l’espace public, plus ils sont chers, et moins ils profitent aux commerçants et acteurs économiques locaux.
Réduire l’affichage publicitaire dans l’espace public, c’est donc une des manières de soutenir nos commerces de proximité, qui en ont aujourd’hui plus que jamais, bien besoin.
Enfin, la publicité est un défi pour la préservation de notre cadre de vie, du paysage et du patrimoine urbain. Et nous ne pouvons que constater que certains territoires subissent, plus que d’autres, une pression publicitaire. Nous souhaitons ainsi rééquilibrer la répartition des panneaux publicitaires, pour des questions d’égalité des territoires. Les habitants des quartiers périphériques ont autant le droit à un cadre de vie préservé que les habitants de l’hypercentre, ont autant le droit de vivre dans de « beaux quartiers ».
Je me permettrai d’aborder pour finir le sujet des écrans vidéo publicitaires. Ces panneaux numériques ne font qu’accentuer les problématiques écologiques évoquées précédemment, en y ajoutant une forte consommation d’énergie pour leur fonctionnement, et de matières premières pour leur fabrication. Beaucoup plus agressifs visuellement que les panneaux classiques, ils captent plus facilement notre attention et sont porteurs de risques pour la sécurité routière.
Le sociologue Gerald Bronner déclarait ainsi, dans un entretien paru ce dimanche dans Lyon Capitale : « Notre disponibilité mentale est cambriolée par les propositions du monde numérique via les écrans ». Alors que les effets de ceux-ci sur la santé et le sommeil sont de plus en plus mis en avant, nous pouvons considérer qu’il y a aujourd’hui assez d’écrans dans nos espaces privés pour ne pas en rajouter, en plus, dans l’espace public.
Les panneaux numériques ne permettent en rien de “dédensifier la publicité”, de la rendre plus efficace et plus écologique : leur bilan global et leur capacité de sollicitation de l’attention en font une fausse solution, qui a d’ailleurs tendance à proliférer ces dernières années dans les transports et dans les vitrines des magasins.
Nous pensons aujourd’hui que tout le monde ici peut trouver un intérêt, à titre personnel, et en tant qu’élu, à prendre en compte ces défis sociétaux, environnementaux et économiques de la publicité.
Nous pensons que ce que nous appelons la “préservation du cadre de vie” peut se hisser à la hauteur d’une exigence commune : celle d’un environnement qui ne soit pas accaparé par des sollicitations incessantes, un environnement où il soit possible de cultiver l’attention, la contemplation et l’imaginaire, qui laisse plus de place à la végétation et au bruit des oiseaux.
Nous pensons que les dérives actuelles de la publicité, et que notre aspiration commune à un espace public apaisé, sont à même de trouver un écho chez les élus de toutes tendances politiques.
Ainsi, dans la lignée du travail initié précédemment par le conseiller délégué M. Véron, notre groupe soutient le Vice-Président Philippe Guelpa Bonaro, accompagné par le très bon travail des services, dans sa volonté de réduire la place de la publicité dans l’espace public du territoire métropolitain.
Le travail de coordination avec toutes les communes, et avec les CTM, permettra d’accompagner de façon fructueuse l’écriture de ce document. Nous sommes persuadés qu’elle se fera en bonne intelligence, comme en attestent les premiers échanges.
Je vous remercie.
Benjamin Badouard
Co-Président Les Écologistes Grand Lyon Métropole
Conseiller Métropolitain