Enfin. Enfin, après un long mais nécessaire processus institutionnel, citoyen, démocratique, nous aboutissons au vote définitif du RLP, le Règlement local de publicité. Plusieurs années de débats techniques, juridiques, et politiques, pour aboutir à ce document, à la fois ambitieux et consensuel pour la grande majorité du Conseil métropolitain.
Il y a quelques années, au début du processus, le sujet de la publicité n’était pas forcément perçu comme un enjeu politique majeur pour les élus de la Métropole et des communes. Il s’agissait alors de simples panneaux et enseignes, installés dans nos villes depuis des décennies, qui faisaient partie du paysage. Personne ne s’y intéressait vraiment car c’était dans l’ordre des choses. Le travail de citoyen·nes et d’élu·es ces dernières années a justement été de démontrer qu’il n’en était rien de tel, qu’il ne s’agissait pas de panneaux quelconques, et que l’enjeu était bien plus grand. C’est pour cela que le sujet m’a toujours intéressé, et qu’il intéresse l’ensemble des écologistes : car il traite à la fois du quotidien et de notre rapport à l’espace public, mais aussi du modèle de société capitaliste dans lequel nous vivons et qui détruit notre seule planète.
J’aime à rappeler que “tout le monde à quelque chose à gagner en réduisant la place de la publicité dans la ville et dans sa vie”.
- En diminuant le nombre et la taille des panneaux, notamment aux entrées des villes, on participe à embellir nos paysages, notre patrimoine, à revenir au beau.
- En augmentant les heures d’extinction des panneaux et enseignes, on réduit les conséquences de la luminosité sur notre santé, sur les espèces animales, et particulièrement les insectes. Et nous, nous pouvons de nouveau voir les étoiles et mieux nous connecter à la nature.
- En interdisant les écrans numériques, au-delà de l’agressivité même de ces dispositifs, nous travaillons aussi sur la luminosité, mais également pour la santé, notamment des enfants, et pour la planète en évitant une consommation d’énergie inutile et l’extraction massive de terres rares.
- En réduisant globalement la place de la publicité, c’est aussi nos commerces de proximité qui y gagnent. Car seuls les très grands groupes sont en effet capables de s’acheter ces espaces de communication. C’est donc bon pour la vitalité de nos villes et centre-bourgs, mais aussi pour l’emploi, ces commerces embauchant plus que les grandes enseignes, si on rapporte le nombre d’emplois au chiffre d’affaires.
- En outre, réduire la place de la publicité dans nos villes et nos vies, il faut le dire, c’est bon pour la planète, pour notre survie sur celle-ci. Car c’est moins d’injonction à consommer, partout, tout le temps. Une consommation qui épuise notre seule et unique maison.
- Enfin, en diminuant la place de la publicité, on réduit la propagation d’idéologies néfastes comme le sexisme, le culte de l’apparence, le “tout, tout de suite”, la compétition, le matérialisme, le conformisme, la maigreur ou encore le jeunisme. On réduit ces manipulations qui jouent sur nos pulsions, nos souffrances et nos frustrations pour nous vendre cette recette trompeuse qu’est le bonheur par la seule consommation.
Les principaux points de ce RLP sont les suivants :
- L’interdiction de la publicité numérique extérieure et l’encadrement strict des écrans numériques en vitrine
- La réduction de plus de 60% du nombre de panneaux publicitaires et la réduction de leur la taille à 4 m² maximum, au lieu de 10m² actuellement
- L’interdiction des publicités lumineuses en toiture, que ce soit le long du Rhône mais aussi en périphérie
- L’extinction des publicités dès 23h, au lieu d’1h du matin actuellement
- L’extinction des enseignes à 23h dans les zones les plus animées en soirée, et à 19h ou à l’arrêt de l’activité, sur les autres territoires
- Un travail sur l’intégration paysagère et la qualité des enseignes
- L’interdiction des publicités sur les bâches de chantier (hors bâches sur Monuments Historiques gérés par l’État)
- L’interdiction de la publicité “privée” autour de plus de 95% des établissements scolaires
- Un équilibre prononcé entre les territoires, pour éviter ces trop grandes distinctions centres / périphéries
Au-delà de ce règlement, nous agissons déjà depuis trois ans sur le territoire de la Métropole : des dizaines de panneaux de 8 m2 ont déjà été retirés de la voie publique ; les mobiliers urbains JC Decaux ont été éteints de 1h à 6h du matin dès décembre dernier, en avance sur la réglementation ; avec la Ville de Lyon, les premières publicités géantes ont été déposés des sommets des immeubles le long du Rhône. Aussi, au printemps 2024, nous retirerons les 120 écrans vidéo numériques du réseau Sytral. Ce sera un grand pas pour le repos de nos cerveaux, et le signe qu’une collectivité peut agir pour ses habitants. C’est une question de choix et de volonté politique.
Enfin, nous arrivons au vote de ce RLP. Et si au début de notre mandat, il y a pu y avoir quelques réticences dans les rangs de l’opposition, je suis heureux de constater aujourd’hui que le travail de concertation a porté ses fruits. Il en ressort un document cohérent, mature, ambitieux et consensuel comme je l’ai souligné au début. À part quelques prises de positions assez politiques me semble-t-il, bien loin des enjeux d’intérêt général et de services aux habitant·es, une grande majorité du Conseil soutient ces mesures, dont un certain nombre de maires de droite, qui ont voté le projet dans leurs communes.
J’en viens au temps des remerciements, après ces années de travaux.
Je tiens à remercier tout d’abord le grand travail des services, Maureen Pépin en premier lieu, mais aussi Mme Besnehard, et leurs équipes, et l’agence d’urbanisme. Toutes et tous ensemble sont probablement aujourd’hui les plus grands spécialistes français de la question publicitaire dans les collectivités, bravo !
Un grand merci également au Vice-Président Philippe Guelpa Bonaro, qui a su mener parfaitement le projet technique et politique pour aboutir aujourd’hui à ce très beau document, bravo à lui. Des enjeux de réduction de la publicité qui ont été compris et qui sont partagés par le Président Bruno Bernard, un grand merci à lui pour cela.

Enfin, je souhaite dire quelques mots pour les citoyennes et citoyens engagé·es pour réduire la pression publicitaire depuis de longues années, que ce soit à Lyon ou partout en France. Nous n’avons pas forcément dans cet hémicycle la même culture de l’engagement, la même manière d’agir pour l’intérêt général. Pour autant, on peut reconnaître que la culture associative antipub (comme on dit) a permis de préserver fortement nos villes, notre patrimoine, nos paysages. Car depuis 30 ans des associations comme Résistance à l’agression publicitaire ou Paysages de France, et dernièrement à Lyon le Collectif Plein la vue ou Alternatiba, alertent et agissent, faisant évoluer les lois dans le bon sens.
Aujourd’hui la France est un des pays les mieux protégés de ces injonctions à consommer, essentiellement car nous avons les associations les plus structurées au monde sur ces questions publicitaires. En Europe, allez simplement faire un tour à Londres, où des panneaux vidéos numériques de 30 m2 longent toutes les autoroutes en périphérie, c’est proprement hallucinant… On en est très loin en France, et c’est tant mieux.
Merci à ces citoyennes et citoyens engagé·es, d’hier et d’aujourd’hui, qui au-delà de la question publicitaire, sur tous les sujets écologiques, de solidarités ou démocratiques, agissent, loin de tout intérêt individuel, pour un monde meilleur.
Je vous remercie.
Benjamin BADOUARD
Conseiller métropolitain